Jeudi 11 avril.
Sites passions !
En attendant notre
rendez - vous avec Tahar nous fonçons prendre un peu d'air frais
sur le fronton de mer de La Marsa. Nous avons déjà nos points de repères
!
Ouf, ça va mieux…le grand vent du large balaye les odeurs de Sahara.
On est à peine arrivé devant le parking du grand hôtel 4 étoiles que
Tahar nous rejoint .
Michelle son épouse nous avait averti ce matin par téléphone qu'il serait
accompagné par
des amis français…présentations : Raymond, Marie Claude…Suzy , Alain…
nous on est de Grenoble…et nous d'Herricourt.. comme le monde est petit !
On te suit Tahar ! le Fleurette se faufile derrière la Golf dans les
quartiers nord.
Marche arrière pour rentrer dans le jardin.. on ouvre toutes les fenêtres,
la nuit s'annonce torride.
Tahar est le créateur du site " Bienvenue au Sahara " c'est pour
cela que nous sommes en relation. J'ai découvert et aimé ce site de
passion d'un passionné.
" Moi j'aime ma ville natale Nefta.. alors j'ai voulu en parler ",
et puis d'une page à l'autre ce sont toutes les villes et traditions du sud
qui prennent vie sur le site de Tahar.
On parle sites, de CCeL qui ne peut être vu ici car les sites "
gratuits " comme ceux de Free.fr posent quelques problèmes ici…tout
au moins c'est ce qui se dit. Raymond lui aussi est très " branché
"…il est né en Tunisie lui, toute petite enfance du côté du Kef,
où il revient parfois
à la recherche de la maison natale…maintenant proviseur de lycée dans
notre Franche - Comté, lui aussi il a été passionné par le site de
Tahar..
Et nous voici devant le couscous de Michelle, bretonne elle, philosophant
sur les grands courants qui ont formé la sérénité tunisienne. Le temps
passe, les heures s'oublient…
et pourtant il faut bien se poser, demain les uns reprennent l'avion, les
vacances scolaires
c'est fini, un autre ira informatiser l'aéroport de Tunis…
Michelle sera là demain , ce matin pour nous ouvrir le portail !
Vendredi, déjà,
3 mai.
Grande chaleur !
Plus fraîche que prévue la nuit…un petit 23 au matin…en France il
pleut au nord d'une ligne…
et il neige dans le Massif Central ! On fait vite les bagages…
beaucoup de choses au programme et les prochains jours vont être très
serrés !
Tozeur est une reine des sables, tout l'architecture le rappelle. Briques
de terre crue, assemblées en motifs géométriques, figures ancestrales
qui reflètent l'histoire dure
des habitants. On se jette dans la médina, seuls comme on peut l'être au
petit matin.
Médina presque déserte. Un jeune vendeur dispose les céramiques de son
étal…
" Bonjour Madame… tu connais la médina ? Si tu veux je te montre…
" ni oui, ni non…
on n'a même pas le temps, il faut savoir se laisser faire. Il s'appelle
peut-être Ali ou Mehmet…
on ne cherche même pas à savoir pris dans le tourbillon des explications
qu'ils nous distille avec précision. Rare culture pour un si jeune, rare
privilège d'être ainsi guidés par le hasard.
La médina est en pleine rénovation, après son classement par l'UNESCO.
Les murs font cure de rajeunissement, les intérieurs bruissent des
travaux de maçons. L'identique se remet
en place. Jeux de briques en compilations achevées , arc des portes ;
ogives pour les chapelles, droites pour les habitations, ajustement des
poutres de palmiers et d'abricotiers
dans des assemblages qui défient le temps…Et puis les subtilités de
bon sens des anneaux des portes, à gauche celui des femmes, à droite
celui des hommes, au-dessus celui des cavaliers, en bas pour les enfants
ou les handicapés….et les judas discrets.. et les…
On resterait des heures dans ces ruelles calmes entrecoupées de voûtes
où se profilent
les voiles noirs des femmes de Tozeur.
Noir au liseré large bleu, elle est mariée, le liseré est fin elle est
célibataire…tu choisis !
La palmeraie n'a pas encore pris son image touristiquée, " ils
arrivent vers 10 heures les groupes ! "…quelques calèches pourtant
tentent de nous précéder au Zoo du Sahara.
Nous en avons gardé un souvenir rustique…
Le rustique a bien " évolué " …au rythme des "
animations " demandées par les organisateurs de circuits. Des
groupes sont déjà aux premières loges des numéros de cirques des
guides. Suivons un peu, la cage des " chirac ", aigles du
désert aux profils acérés, la panoplie
des serpents jaune sable ou avec des pattes, ça s'appelle alors des
lézards, toujours jaune sable…
Le dromadaire écoute cela depuis des années, il n'en a cure et attend sa
bouteille
de coca-cola " Vous comprenez pourquoi le chameau jaune est devenu
marron ! "…
Notre fennec a fait beaucoup de petits, ils jouent de la prunelle avec les
visiteurs,
et même les renards du désert qui font des clins d'œil !
Le numéro des reptiles est le clou de la visite, scorpion mortel jeté
aux pieds des vaillants touristes, vipère cornue les yeux dans les yeux,
couleuvres en foulard spaghettis…
Ca ira pour la séquence frisson…un petit tour au jardin luxuriant du
Paradis pour s'en remettre… Sur la route de Nefta la chaleur
monte rapidement…route superbe qui domine le chott et son immensité.
Vingt kilomètres de bravoure, des milliers de palmiers sont plantés
entre des haies de palmes pour retenir les envolées du sable.. des
citernes leur apportent une eau trop rare.
Ici depuis quatre ans la pluie n'obéit plus à Allah !
Belle arrivée à Nefta. Nous allons directement au syndicat d'initiative,
nous devons y voir
le responsable Naceur, ami de Tahar. " Il y a des jours que je vous
attends, Tahar est passé l'autre jour ! " Eh oui Naceur, mais il
nous a fallu faire toute la Tunisie avant d'arriver au sud !
Plan de visite pour cet après-midi, Naceur nous guidera pour le
traditionnel coucher de soleil
à la Corbeille, mais pas avant 16h30 car " c'est vendredi et j'ai
mes prières ! ".
Pour l'heure nous recherchons un coin de fraîcheur…ce sera " Le
Paradis "…il porte bien son nom en lisière de palmeraie ! On
retrouve la petite rivière qui était enfouie dans nos souvenirs avec une
nuit sous la guitoune…la petite rivière est devenue canal bétonné, un
peu moins d'eau. Un tracteur citerne vient puiser sa ration pour les
massifs de la ville. Allez on se pousse, on
se partage la place. Le Paradis c'est aussi un petit resto…et qu'est-ce
qu'on fait quand on a
un resto sous la main ? Resto' à bord bien sûr ! petit à petit
l'endroit se meuble de voitures, fidèles ou touristes détournés par les
guides, chacun y va de sa manœuvre pour profiter
de l'ombre..37, 38…38°9 et à l'ombre !
Tour de médina avant de retrouver notre guide. On remonte à sa hauteur
à la recherche d'un coin d'ombre pour laisser le Fleurette. Soudain
sortant d'une ruelle au galop une charrette tirée par un âne loupe son
virage et se renverse…le petit charretier est affolé de voir son
ami-âne
sous la charrette, je stoppe pour l'aider, une voiture en fait autant…
allez tous ensemble " debout l'âne et marche !
Le jeune est éberlué et tout le groupe me congratule, le " touriste
" il a remis l'âne debout !
Allez on prend les chapeaux ! dans les rues désertes on a un peu
l'impression d'être des zombies…pas anormal, les décors des "
guerres des étoiles 2 et 3 " sont dans la région !
Dans un angle un artiste joue avec les courbes pastel des arches.
La canicule est à son comble, le soleil d'été, une musique tonitruante
vole par-dessus les terrasses. Pendant un moment je crois que c'est la
mosquée proche.. " Bonjour Madame… comment tu vas ? " une
famille est sur le pas de sa porte, c'est d'ici que sort la musique.
Ca va bien, c'est pour quand la pluie ? Je ne sais pas trop s'ils ont
compris la question mais
ils nous invitent à rentrer. Allez il fait peut-être meilleur dedans !
papa, maman et les 2 filles
sont en plein travaux de maçonnerie, béton, crépi, lissage…mais il
nous faut les admirer
les murs nus, et se débrouiller à être admiratifs avec 2 ou 3 mots de
français…
On débouche par hasard sur la place centrale de la médina. Ici ils ne
doivent pas voir souvent des étrangers. Trois magasins de bric et de broc
et l'inévitable café, un peu vide à cette heure …et si on "
prenait " quelque chose ?. Le choix est des plus rapide , c'est coca
et/ou soda…
ce sera coca, ça fait jeune !
On retrouve le Fleurette toujours dans son coin d'ombre…tiens mais on
n'avait pas vu, c'est
le poste de police ! Au moins il était sous protection ! " Vous
n'avez pas le droit de rester ici, c'est la police ! " Le quidam est
cravaté, donc ça doit être le chef…Excusez-moi Monsieur
le policier, je n'avais pas vu, je savais pas etc.…Un autre policier,
costumé reconnaissable
celui-là vient se mêler au dialogue…ouille,ouille ! " Pas de
problème, vous rester ici, vous êtes bien ici ! " Alors c'est qui
qu'on écoute ? Le quidam nous lâche et rejoint son… taxi !
" Vous êtes à l'heure Messieurs, Dames ! " Normal Naceur , on
a beaucoup à voir !.
Co-pilote en burnous le Fleurette se lance dans la palmeraie,
délicieux travelling dans la lumière qui s'adoucit…
Naceur est intarissable sur la palmeraie, ses grands chiffres, ses us, ses
coutumes.
Intarissable comme le permet 37 ans de syndicat d'initiative.
Une palmeraie a ses étages, rez-de-chaussée de cultures maraîchères,
oignons, salades, tomates, maïs…au-dessus les fruitiers : pommiers,
jujubiers " tu goûtes Madame ! ", grenadiers,et au dernier
étage les dattes, celles de Nefta sont les plus réputées,les
deglet-nour " doigts de lumière ". 400000 palmiers irrigués
par 152 sources, un réseau de canaux quadrillant la palmeraie. Chacun a
son lopin de terre, son programme hebdomadaire d'irrigation, et installe
une vie sereine aux pieds des grands arbres.
Nous sommes en pleine période de pollinisation. Là-haut accroché dans
un palmier un paysan, vigneron du désert, fait une beauté au sommet,
jette bas les palmes mortes et tel un vigneron, apporte aux grappes
naissantes le pollen du palmier masculin …
C'est un choc lorsque la piste sort de la palmeraie, choc de lumière,
choc de chaleur.
On avance entre chott et erg, lac et désert... les puits d'irrigations
ponctuent le pourtour de
la palmeraie, le chapelet de grands réservoirs se complète. Des petits
groupes de briqueteurs travaillent à même le sol, derniers artisans de
l'architecture locale en attendant l'usine à briques, toute construite
mais qui attend de démarrer..
" Alain.. madame…on va voir le mirage ! " …on oblique dans
le chott, la piste devient petit chemin qui serpente entre des touffes de
tamaris nains, de salicornes. " Tu restes bien sur la piste, c'est
tendre ici. ". A vrai dire je n'ai envie de quitter le rail luisant
de terre tassée, à côté c'est la croûte craquelée ourlée de blanc.
L'air sent le sel. " La-bas Monsieur, Madame…mirage garanti Naceur
! " Le voici enfin notre mirage , au fond de l'air qui vibre. On a
beau connaître
le phénomène, il est toujours surprenant. " Arrête l'auto, on
descend ! " Ouf il est toujours là " notre " mirage. Les
palmiers de l'oasis, les voiliers du port, les…de l'imaginaire.
" Alain tu te baisses… " Et voici le mirage à géométrie
variable, les voiliers rentrent dans la mosquée…Un vélomoteur s'en
détache. Dis Naceur, il est vrai ou il est faux ? " Lui il est vrai
! " D'où sort t- il, étrange échafaudage d'un adulte et de deux
enfants sur un cyclo antique.
Bon, ok on comprend, on était repérés de loin…Les deux fillettes nous
bondissent dessus,
les bras chargés de poupées sommaires, l'une d'elle porte un bébé
fennec…merveilleuse image au milieu du chott, à des kilomètres de tout
, dans la flambée d'un soleil qui décline.
Les fillettes n'ont pas un mot de français, leur père non plus et il se
tient à distance…
Naceur traduit les négociations, petits cadeaux à 1 dinar, grande joie
pour les enfants..
Allez on se détache ! Le soleil avance.. On quitte le chott, un poste de
police à quelques kilomètres de la frontière algérienne, mais Naceur
connaît tout le monde.
Maintenant piste de sable ! Suzy s'affole… " T'en fais pas Madame !
" je connais tout ici !
" Alain tu restes bien sur le milieu… " Bon , oui…mais ça
glisse comme sur du verglas.
En douceur, en douceur. Au bout là-bas un 4x4 brille au soleil, quelques
silhouettes de chameaux… On va jusque là-bas Naceur ?
" Tu arrêtes là, avec le camping-car on n'arrivera pas. On va le
laisser là et on ira à pied ! "
Et comment je retourne moi ? " On fait demi-tour ici.. " Ici
c'est du sur place, du sur place au millimètre… " Tu fais ce que
je te dis, t'écoute pas ta gazelle ! " la gazelle elle est à
l'arrière
du Fleurette et ne brille pas ! Ouf…il a suffi d'une dizaine de va et
vient…pas brillant !
faudra que je m'entraîne encore !
Balade aux dunes vers le soleil qui les frise. On ne voit rien, rien
d'autre que des dunes,
on n'entend rien, rien d'autre que le vent sur le sable, et tout rayonne
dans le silence !
Ce qui embellit le désert c'est qu'il nous cache toujours quelque chose.
Naceur nous dit aussi son amour depuis toujours, il ne connaît que lui.
Ce qui se passe là-bas, ces 4x4 qui détruisent le paysage, qui polluent
les esprits…
ça lui donne des nausées, et il a besoin de cette solitude.
" Les technocrates tu leur donnes le Sahara,
dans six mois il faut qu'ils achètent du sable ailleurs " Il avait
tout compris Coluche !
Le soleil est voilé de sable, la chaleur anormale de la période.
Le coucher de soleil ne sera pas à la hauteur de nos attentes.
On rentre sur Nefta en passant par " La Corbeille ". C'était un
lieu magique, oasis dans l'oasis,
les sources jaillissaient sous les palmiers. Les technocrates sont passés
par là ,
l'eau déviée a disparu, il faut la pomper pour donner un peu de vie…
Mais qu'elle est belle encore la Corbeille vue d'en haut !
Le soleil se couche dans une grille de fils électriques, il est des
premiers plans qui en valent d'autres. Retour au bureau de Naceur, le S.I.
On échange nos adresses, il nous montre son trésor : collection de
cartes de visites de ses " clients-amis "..on y rajoute bien
sûr la nôtre. " Suzy, Alain…permettez que je vous offre mon
cadeau ! "
Et avec le mode d'emploi en plus, des turbans " à la Naceur ! "…
Retour sur Tozeur, un petit chagrin au cœur…
Personne au camping…les 4 chats errants attendent Daky ! .....>>